Invisible

Nous appelons cela un chien, mais nous ne savons pas vraiment ce que c’est. Car Blue (c’est son nom) n’est pas ce corps de chien. Quand il ne restera plus que son corps, c’est qu’elle ne sera plus là.

Ce qu’elle est vraiment, cette présence qu’on ressent derrière ses yeux, ce n’est pas son corps. Elle n’est pas faite de matière. Ce que nos sens perçoivent -le bleu de son regard, le son de ses aboiements- n’est pas directement elle, cette présence consciente. Ils en sont des manifestations. Tout comme les expressions de notre visage ne sont qu’une représentation, appauvrie, de ce que nous ressentons intérieurement.

L’expérience intérieure d’un autre ne nous est pas directement accessible. Si elle l’était, ce serait la notre, et nous ne ferions qu’un.

Ce que d’autres ressentent, nos sens n’en perçoivent que des manifestations matérielles : des images, des mouvements, des sons, des mots… Nous tentons d’interpréter ces signes, avec plus ou moins de succès, dans notre vie quotidienne et dans les sciences, telles la psychologie, l’éthologie, les neurosciences.

Pour discerner une émotion, un ressenti, une attente, d’un autre humain ou d’un chien, nos sens et nos sciences n’ont accès qu’à des pointeurs vers leur monde intérieur. « L’essentiel est invisible pour les yeux ». L'essentiel, cette présence consciente, l’essence de ce que nous sommes. Nous et les autres animaux.

⬅️ préc. / suite ➡️